Susie Morgenstern est une star de l’édition jeunesse. Traduite du français dans une vingtaine de langues étrangères, y compris le chinois, elle a aussi récemment traduit en français le livre de son compatriote Barak Obama ! Elle rend visite aux élèves du Collège Charles III le 9 avril. Portrait.
Rencontrer la pétulante Susie Morgenstern est une chance. Depuis des années, la romancière vient régulièrement au contact de ses jeunes et moins jeunes lecteurs, qui dévorent ses livres publiés régulièrement depuis 1977. Une centaine de livres à son actif, rien de moins, avec pour cette seule année 2014 six publications ! D’où provient l’énergie débordante de Susie Morgenstern ?
Une enfance américaine
Susie Morgenstern vit depuis près d’une cinquantaine d’années à Nice. L’Amerloque, comme elle aime se désigner, parle français avec un charmant accent chantant qui donne de la gaieté au moindre de ses propos. C’est dans sa belle et chaleureuse maison qu’elle nous accueille pour un thé gourmand, à son image, et qu’elle évoque sa jeunesse : « Je suis née en 1945 à Belleville, dans le New Jersey. » L’adolescente élevée dans une famille juive américaine est alors loin d’imaginer son avenir hexagonal : «La vie à la maison était très joyeuse et bruyante, avec mes deux grandes sœurs… Mon père était commerçant, et ma mère professeur d’anglais. Elle m’écoutait lui lire mes rédactions et me considérait comme Shakespeare et Proust réunis ! Une vraie mère juive, sachant donner confiance à ses enfants… » C’est que la petite Susie a toujours eu le démon de l’écriture : journaux intimes, récits, nouvelles… A 16 ans, elle devient rédactrice en chef du journal du lycée de Belleville, lu par toute la ville. L’adolescente joue aussi très bien de la contrebasse. Elle se bat pour entrer dans le jazz-band du lycée, qui ne voit pas d’un bon œil la présence d’une fille : épisode retracé dans son beau roman La Première fois que j’ai eu seize ans, adapté au cinéma avec Marilou Berry. C’est aussi à cette époque que Susie, née Hoch, s’identifie au personnage romantique et énergique du best-seller de 1955 Marjorie Morningstar…
Une rencontre décisive
Lors d’un séjour à Jérusalem où elle poursuit ses études universitaires d’histoire, l’étudiante croise à la cafétéria un certain Jacques, brillant mathématicien français venu pour un congrès. C’est le coup de foudre : « Je l’ai aperçu de loin. Il était magnétique et grandiose. Je suis allée tout droit vers lui pour lui parler. » Rencontre magique que l’écrivaine a racontée merveilleusement dans Premier amour, dernier amour. La petite Américaine se marie, émigre à Nice, la ville de son époux qui lui donne le patronyme de son héroïne préférée : Morgenstern-Morningstar ! Susie l’Américaine doit s’adapter aux mœurs parfois étranges à ses yeux des Français, comme de dire à ses bambins qu’on laisse à l’école maternelle « Travaille bien ! », au lieu de « Have fun ! »… La jeune femme accouche le même jour de sa seconde fille et d’une thèse universitaire sur les écrivains juifs américains. Susie s’est acclimatée à la France et devient professeur à l’Université de Nice. Elle se rend compte un jour qu’elle écrit désormais spontanément ses livres directement en langue française. En 1982, elle remporte un premier grand succès avec C’est pas juste : « Le Ministère de la Jeunesse avait organisé un concours pour inciter les écrivains français à écrire pour la jeunesse. On concourrait sous pseudonyme. Quand ils m’ont décerné le prix et qu’ils ont découvert qui j’étais, ils sont devenus blêmes ! »
« Ecrire, c’est ma façon de vivre »
Pourtant, Susie se considère comme un écrivain français : « Je suis naturalisée française, j’écris en français. » La romancière, nommée en 2005 Chevalier des arts et des lettres, s’est vue d’ailleurs récompensée pour écrire dans une langue qui n’est pas sa langue maternelle. Cette activité d’écrivain, Susie Morgenstern la considère comme son oxygène : « Un jour où je n’écris pas, c’est comme si je n’existais pas. Lorsque j’écris, je ne pense à rien d’autres, je ne vois pas le temps passer. Ecrire, c’est mon état naturel. » Cette passion de l’écriture, doublée d’un amour de la lecture, explique la productivité de l’écrivaine, dont le succès auprès des jeunes lecteurs ne se dément pas. On peut ainsi citer Lettres d’amour de 0 à 10 (qui devrait être prochainement adapté au cinéma), La Sixième, Joker, Ma boîte à histoire, des séries comme La famille trop d’filles… Non seulement les prix littéraires n’ont cessé de pleuvoir sur son œuvre, mais elle est adulée en Corée du sud : « Lorsque je suis arrivée là-bas, il y avait des paparazzis qui m’attendaient, il fallait le voir pour le croire ! » Quand on l’interroge sur la clé de son succès coréen, l’écrivaine répond que ses personnages de petites filles culottées doivent plaire à des enfants baignant dans une culture qui prescrit tout le contraire. En Chine aussi, où elle s’est rendue récemment, les histoires imaginées par la sémillante Susie Morgenstern rencontrent un franc succès : « Mon Agenda de l’apprenti écrivain y plaît également beaucoup. »
C’est certainement aussi le ton à la fois malicieux, gourmand et franc qui séduit les jeunes lecteurs, pouvant depuis le 12 mars découvrir Comment tomber amoureux… sans tomber. Les adultes ont également la permission de lire ces livres pétillants et jamais gnangnan !
Clara Laurent - 2014, La Gazette de Monaco (Droits réservés)