Victoria Zinny et Remo Girone : acteurs

D.R.

 Un couple d'acteurs enracinés sur le Rocher

 

Elle, révélée par Luis Bunuel dans Viridiana en 1961, et lui, choisi par Marco Bellochio dans son adaptation de La Mouette de 1977, ont depuis lors tourné dans des dizaines de films pour le cinéma et la télévision, aussi bien en Italie qu’en France ou aux Etats-Unis. Mais c’est bien en principauté de Monaco qu’ils ont élu domicile voici vingt ans, à quelques pas du Musée océanographique. Portrait croisé de deux acteurs qui s’aiment depuis près de quarante ans.

 

D.R.

 

 

Le mercredi 15 mai avait lieu à la Médiathèque de Monaco une avant-première un peu spéciale : Remo Girone et Victoria Zinny présentaient leur dernier film, Roche papier Ciseaux, réalisé par un jeune cinéaste québécois. Les deux acteurs, qui adorent fréquenter ce lieu de culture, « véritable caverne d’Ali baba » comme ils se plaisent à le dire, ont eu à cœur de présenter au public monégasque ce thriller encore inédit ici, dans lequel ils ont pu partager l’affiche, tout comme ils l’avaient déjà fait dans Marquise de Vera Belmont, ou dans Ne touchez pas à la hache de Jacques Rivette. Sauf que dans le film de Yan Lanouette Turgeon, Remo et Victoria incarnent des compagnons, tout comme ils le sont à la ville depuis 1976 : « Nous avions le même agent, explique Remo Girone. Un jour, nous nous sommes croisés dans son bureau et nous avons parlé. Victoria m’a tout de suite plu, alors je me suis invité dans le dîner où elle se rendait le soir. Et nous ne nous sommes plus jamais quittés ! »

 

Née en Argentine…

 

Victoria Zinny est née à Buenos Aires, dans une famille d’intellectuels : « Ma mère, la grande poétesse Julia Prilutzky, était diplomate et nous voyagions beaucoup… Elle recevait dans son salon des écrivains comme Borgès ou Néruda… » De cette enfance baignée dans la culture provient la passion pour le théâtre. Et si Victoria Zinny obtient une bourse pour étudier le journalisme à Madrid, c’est finalement bien l’école de cinéma de cette même capitale qu’elle va fréquenter vers l’âge de vingt ans. « L’assistante de Bunuel était venue dans mon école, elle recherchait désespérément une jeune comédienne pour un rôle vacant dans Viridiana, dont le tournage débutait incessamment. Bunuel m’a alors embauchée. » La jeune femme se retrouve à Cannes où le film sulfureux de Bunuel, censuré par l’Espagne de Franco et mis à l’index par le Vatican, reçoit la Palme d’or. La carrière de la jeune actrice débute dans ce tourbillon, et elle enchaîne les rôles aussi bien pour la télévision où elle croise par exemple la jeune Nicole Kidman en 1986, que pour le cinéma. Ainsi Victoria Zinny aura le privilège de tourner en 1980 dans La Terrasse d’Ettore Scola, en 1981 avec Dino Risi dans Fantasma d’amore auprès de Marcello Mastroianni et Romy Schneider, ou bien encore en 1971 dans un « western spaghetti » de Guiseppe Vari au titre alambiqué, Priez les morts, tuez les vivants: « J’y donnais la réplique à Klaus Kinski, un bandit qui kidnappait une femme riche et distinguée. Contrairement à sa terrible réputation, Kinski s’est montré avec moi très protecteur. » L’actrice s’amuse que ce western fascine l’auteur du récent Django unchained : « J’ai appris il y a quelques temps que Quentin Tarantino adorait ce film qu’il a vu une multitude de fois ! »

 

Né en Erythrée…

 

Quant à Remo Girone, à l’instar de son épouse, il n’a pas grandi en Italie, mais en Erythrée actuelle (jadis Ethiopie) où sa famille s’était établie : « J’ai vécu à Asmara jusqu’à l’âge de 22 ans. J’étudiais l’économie et j’étais sur le point de soutenir ma thèse de doctorat lorsque je suis arrivé à Rome en 1971. Mais le virus du théâtre était en moi depuis mon plus jeune âge, et je suis entré au Conservatoire. » Très vite, le jeune comédien se produit sur les planches sous la direction de grands metteurs en scène. La télévision et le cinéma lui ouvrent aussi bientôt leurs portes. « Pourtant, se souvient avec humour l’acteur, ma mère se plaignait de ne jamais me voir dans les talk shows ! Il a fallu que je joue dans La Piovra (Mafia, pour le titre français) à partir de 1984, pour qu’elle considère que j’avais enfin réussi car alors, elle me voyait sur les plateaux de ces fameuses émissions ! » C’est que cette série italienne, qui a connu une dizaine de saisons, a eu un retentissement immense en Italie, mais aussi dans des dizaines d’autres pays : « En URSS, je me souviens que sous Gorbatchev, on me reconnaissait quand je voulais entrer dans des lieux sous haute surveillance. Et récemment, en Albanie, les députés ont évoqué les personnages de la série comme des références familières… » Remo Girone y incarne un « méchant très méchant », Tano Cariddi, auprès d’une pléiade d’acteurs italiens, mais aussi français comme Alain Cuny, François Perrier ou Bruno Cremer. Des grands acteurs français, Remo Girone en a côtoyé beaucoup dans ses films, à l’instar d’un Charles Vanel, dont il se plaît à évoquer qu’il donna la réplique à… Sarah Bernhardt ! « J’ai un faible pour les grands acteurs français, confie Remo Girone, notamment pour Jean Gabin et Lino Ventura. » L’acteur aime se remémorer cette grande époque où les coproductions permettaient de voir Pierre Brasseur ou Jean Noiret se produire en Italie… Il est vrai que Remo Girone a aujourd’hui le privilège de beaucoup tourner en France, aussi bien pour Arte (récemment avec Brigitte Rouan par exemple), que pour le grand écran (il incarna par exemple Lully auprès de Sophie Marceau dans Marquise).

Le cinéma italien n’est pas en reste, avec des pointures comme Ettore Scola (une adaptation en 1990 du Capitaine Fracasse) ou dernièrement un film sur l’affaire « Parmalat » (L’Empire des Rastelli, 2010) qui a eu un immense succès auprès du public italien. Celui-ci a pu aussi apprécier Remo Girone dans le rôle délicat du Pape Pie XII dans une série télévisée pour laquelle il a été nommé comme Meilleur Acteur aux Bambi Awards.

 

 

 

(D.R.)

A Monaco…

 

Ses multiples rôles à la télévision ont d’ailleurs valu à l’acteur de nombreuses invitations au Festival de Télévision de Monte-Carlo, où avec son épouse Victoria, ils ont été aussi souvent membres du jury. C’est à cette occasion que le couple a appris à aimer la principauté où plusieurs de leurs amis vivaient déjà… Ils se rappellent alors leur agréable rencontre avec René Novella, ancien ambassadeur de Monaco à Rome, et traducteur de Malaparte. « Ici, nous ne sommes pas obligés de fréquenter tout le temps des gens du cinéma, comme c’était le cas à Rome. C’est reposant ! », concède aussi Remo Girone. La notoriété des deux acteurs leur permet de vivre la plupart du temps sur le Rocher, où ils reçoivent de partout les scénarii qu’on leur propose par internet. Toujours très actifs et demandés, Victoria Zinny et Remo Girone continuent à enchaîner tournages de films et spectacles vivants : Remo Girone évoque la pièce dans laquelle il va jouer au Festival de Spoletto mi-juillet : « Je vais incarner le grand chef d’orchestre Carlos Kleiber. » Quant à la toujours très belle Victoria Zinny, elle vient de travailler de nouveau avec le cinéaste polonais Zanussi : « J’ai terminé le tournage il y a quinze jours, c’est un drame dans lequel j’ai un beau rôle de mère. ».

 

On aurait aimé prolonger encore cet entretien foisonnant pour évoquer  les souvenirs innombrables de toutes les légendes du 7e art que les deux acteurs ont côtoyées… En attendant, l’on sait qu’on aura l’occasion de voir le couple de sexagénaires fringants bientôt sur les écrans et sur les planches !

 

 

 (Clara Laurent, paru dans La Gazette de Monaco, juin 2013

Droits réservés)

 
Remo Girone (D.R.)

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