Tous les chemins mènent à Katmandou

 

« 1969, année érotique » chantent en duo Jane Birkin et Serge Gainsbourg. C’est un an plus tôt qu’ils se sont rencontrés sur le tournage de Slogan (Pierre Grimblat). Depuis, ils vivent une romance largement médiatisée. En 1969, le couple glamour partage aussi l’affiche des Chemins de Katmandou. Réalisé par André Cayatte, écrit en collaboration avec René Barjavel, le film raconte l’histoire d’une jeunesse en perdition sur fond de flower power et de vogue mystique orientalisante. Les éditions LCJ propose le film agrémenté de bonus.

 

 

André Cayatte (1909-1989) a réalisé une trentaine de films entre 1942 et 1978. Juriste de formation, il débute comme scénariste (Entrée des artistes, Marc Allégret, 1938) et réalise son premier long métrage pour la firme Continental d’Alfred Greven en 1942 : La Fausse maîtresse, adaptation très libre d’une nouvelle de Balzac et dernière comédie tournée sous l’Occupation par Danielle Darrieux. Une œuvre de commande éloignée du style que Cayatte adoptera quand il sera en mesure de réaliser des films personnels. Car Cayatte est passionné par les sujets de société, et particulièrement par les rouages de la machine judiciaire.

 

 

Avec Les Chemins de Katmandou, Cayatte se penche sur la jeunesse de Mai 68 et le mouvement hippie. Il commence par enquêter en empruntant lui-même la route de Katmandou, capitale du Népal vers laquelle converge toute une génération en quête de spiritualité alternative au consumérisme occidental. Cayatte y croise la route d’une jeune fille qui le frappe particulièrement : Jane, 17 ans, est devenue gravement toxicomane. Pour acheter ses doses, elle en est réduite à se prostituer et à vendre son sang. Choqué par « l’état de larve » (sic) dans laquelle elle se retrouve, Cayatte décide de raconter l’histoire de cette hippie qui lui semble exemplaire : en venant à Katmandou elle rêvait d’un monde meilleur, mais a fini par se perdre dans la drogue.

 

 

Le réalisateur s’adjoint les services du romancier René Barjavel pour le scénario (il en tire après coup un roman). Ils imaginent qu’un jeune Parisien (Renaud Verley), graine de révolutionnaire qui bat le pavé en Mai 1968, ne tarde pas à se sentir « cocufié » par la tournure des événements politiques qui donne raison aux forces réactionnaires. Il décide alors de partir à la recherche de son père (David O’Brien) qui ne l’a pas élevé et dont il apprend qu’il organise des safaris au Népal. Olivier veut en découdre avec ce père indigne en lui réclamant les arriérés d’une pension alimentaire jamais versée. Arrivé en Inde, c’est le choc culturel et sensoriel. C’est au cours de sa déambulation vers Katmandou qu’il croise la route de « Jane », incarnée par Jane Birkin. Olivier en tombe amoureux, même s’il ne goûte guère sa philosophie libertaire et polyamoureuse. Il ne tarde pas à découvrir qu’elle se drogue de plus en plus, mettant en péril sa propre vie. Le jeune aventurier finit par dénicher son père, mais croise aussi la route d’un homme d’affaires interlope qui trempe dans des trafics d’œuvres d’art érotiques volées. Silhouette dégingandée, visage émacié agrémenté d’une fine moustache, Serge Gainsbourg campe ce personnage pervers et dangereux, comme il le fait souvent dans ces années-là où le cinéma le distribue dans des rôles de traitres.

 

 

Aux yeux de Cayatte, Katmandou n’a donc rien du havre de paix et de spiritualité que venaient chercher les hippies du monde entier. La capitale népalaise n’est qu’un miroir aux alouettes pour la jeunesse assoiffée d’idéal. Le réalisateur prend le temps de filmer la ville mystérieuse et sa faune bigarrée, offrant comme un documentaire de cette époque mythique.

Le film démarre par le montage rapide de scènes de manifestations de Mai 68, avec des images passées au virage coloré à la manière de Godard à la même époque. Elsa Martinelli prête les beaux traits de son visage au personnage de la (très) jeune mère du héros. Les séquences qui la mettent en scène font penser au Blow up d’Antonioni (1966): esthétique pop, femmes longilignes dans des robes style Courrège, photographiées par des dandys machos.

 

 

Renaud Verley, dont c’est le premier grand rôle au cinéma, est plutôt convaincant. Il joue chez Visconti dans Les Damnés la même année, mais sa carrière fera long feu. Jane Birkin reste un des principaux attraits des Chemins de Katmandou : d’une beauté lumineuse lorsqu’elle apparaît la première fois à l’écran, elle incarne comme la quintessence des hippies des années soixante-soixante-dix. La lente décadence de son personnage n’en est que plus poignante…

 

Clara Laurent

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"Herbert Traube, le destin français d'un indésirable", un film documentaire de 88 min (2022)

 

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