Jeunesse française
En 1949 sortait sur les écrans Rendez-vous de juillet, réalisé par un cinéaste alors quadragénaire, Jacques Becker, désireux de capter l’air du temps et sa jeunesse d’après-guerre dans un Paris estival lumineux. Une pépite cinématographique que les Mardis du cinéma présentent le 9 janvier aux Variétés (Monaco).
Connu particulièrement pour deux films des années 1950, Touchez pas au grisbi et Casque d’or, Jacques Becker est un cinéaste à la filmographie précieuse et passionnante. Assistant de Jean Renoir dans les années trente, il réalise ses premiers longs-métrages durant l’Occupation, dont le chef d’œuvre Falbalas, un film se déroulant dans le milieu de la haute couture et qui déclencha la vocation de Jean-Paul Gaultier ! Aux lendemains de la guerre, Jacques Becker se démarque de ses confrères français qui s’enferment en studios. À l’instar de ses homologues transalpins en plein néo-réalisme, le cinéaste descend dans la rue pour filmer les petites gens : il livre ainsi le gracieux Antoine et Antoinette (1946). Fasciné par la jeunesse des caves de jazz de Saint-Germain-des-Prés, Becker tourne trois ans après Rendez-vous de juillet, avec une pléiade de nouveaux visages, parmi lesquels Daniel Gélin, Nicole Courcel, Brigitte Auber et Maurice Ronet.
Précurseur de la Nouvelle vague
Le film tranche avec la tendance à la noirceur qui habite le cinéma hexagonal de cette époque. Il offre un hymne vibrant à l’énergie d’une jeunesse française avide d’en découdre avec des aînés grands-bourgeois autoritaires et grincheux. Une jeunesse pressée de guincher au son du jazz trépidant de Claude Luter. Maurice Ronet jouant de la trompette fait songer à Boris Vian. Becker filme aussi le système D des jeunes gens qui échangent contre un morceau de bœuf l’essence pour leur voiture, une drôle d'engin capable de voguer sur la Seine. Moment de pure poésie cinématographique, au son de la musique de Jean Wiener.
Le cinéaste lorgne du côté du documentaire lorsqu’il fait pénétrer dans le cours de théâtre du grand Louis Seigner himself, ou quand il montre les cours d’ethnologie auxquels assiste Daniel Gélin. Ce dernier est bien décidé à monter une expédition en Afrique pour filmer des pygmées et faire avancer ses recherches ethnographiques. Au terme d’un chemin semé d’embûches, sa ténacité va payer. Les dernières images du film montrant l’envol de l’avion qui emporte Daniel Gélin avec ses acolytes enthousiastes témoignent de la foi de Becker dans cette jeunesse entreprenante.
Le tournage dans les rues de Paris, la fluidité de la caméra, le rythme allègre du montage, tout concourt à faire de Rendez-vous de juillet un film étonnamment moderne pour 1949, comme s’il avait dix ans d’avance et s’inscrivait déjà dans la future Nouvelle vague. Les acteurs ne sont pas étrangers au vif plaisir qu'on prend enfin à Rendez-vous juillet: mentions spéciales au jeu sobre de Daniel Gélin, à la fraîcheur de Maurice Ronet, et à l'énergie souriante de Brigitte Auber, frimousse du futur Main au collet (Hitchcok). Remarquons enfin la présence amusante dans un furtif second rôle d’une certaine Louisa Colpeyn, actrice belge qui n’est autre que la mère de l’écrivain Patrick Modiano.
Clara Laurent, D.R.