Le deuxième long-métrage de Chad Chenouga, De toutes mes forces, sorti début mai 2017, a su s’imposer sur les écrans de l’hexagone en restant longtemps à l’affiche. Yolande Moreau, dans le rôle d’une directrice de foyer social, y est entourée d’une pléiade de jeunes acteurs, dont le héros, Khaled Allouach, qui crève l’écran. Entretien avec Chad Chenouga.
En 2000 sortait 17, rue bleu, un film autobiographique dans lequel Chad Chenouga revenait sur les événements tragiques de son enfance : élevé avec son frère par une mère célibataire en perdition, il découvrait un jour celle-ci décédée des suites d’une overdose de médicaments. Jamais misérabiliste, le film réussissait à restituer l’atmosphère de l’époque (la fin des années 1960, le début des années 1970) et mettait en scène la résilience d’un adolescent envers et contre tout.
Depuis 2000, on aura pu voir Chad Chenouga comme acteur dans de nombreuses séries télévisées, et même dans le rôle du frère d’Angelina Jolie (Un cœur invaincu) ! Après La Niaque, spectacle théâtral joué au Théâtre des Amandiers (Nanterre) en 2011, Chad Chenouga revient à la réalisation, poursuivant une veine autobiographique.
Vous êtes passé vous-même dans un foyer social après le décès de votre mère. C'est cette histoire que vous avez voulu raconter ?
Je me suis inspiré de mon expérience, mais mon film se passe aujourd’hui. J’ai beaucoup observé les adolescents dans les foyers actuels. Moi, ce qui m’a sauvé, ce sont les études. Après mon bac, j’ai réussi à intégrer Sciences Po Paris. On m’a pris en charge jusqu’à 24 ans. Aujourd’hui, on n’accompagne les jeunes que jusqu’à leur majorité, exceptionnellement jusqu’à 21 ans. Le personnage de mon film qui tente de faire médecine (Jisca Kalvanda, vue dans Divines) est broyée par cet état de fait.
Comment avez-vous trouvé vos jeunes comédiens ?
Nous avons fait du casting sauvage dans la rue, on a reçu aussi des petites vidéos postées sur le net. C’est comme ça qu’on a trouvé notre héros, Khaled Allouach.
Il dégage une beauté solaire et il a beaucoup de classe, l’antithèse du cliché du jeune maghrébin de la DASS…
Lorsque j’avais son âge, j’étais un peu arrogant, un peu dandy. Je faisais mes classes au Lycée Honoré de Balzac, je cachais que je vivais dans un appartement crade 17, rue bleu… Puis, quand ma mère est morte, j’ai fait comme mon personnage, j’ai raconté que je vivais chez mon oncle. Je voulais m’en sortir, faire des études. Finalement, après être entré à Sciences Po, j’ai senti que je voulais être acteur. J’ai quitté l’école pour faire le cours Florent.
Comment avez-vous dirigé ces acteurs non professionnels qui sont tous très justes ?
On a passé cinq à huit mois à faire des ateliers : il fallait créer une complicité entre eux, un naturel, leur donner confiance, leur apprendre à se concentrer, à ne pas regarder la caméra… Avec les élèves du lycée parisien, c’était plus simple, ils avaient moins de scènes.
Et comment s’est fait le choix de Yolande Moreau ?
C’est ma scénariste qui en a eu l’idée. Elle s’est imposée tout de suite car elle dégage une grande humanité, et c’était ça que je cherchais pour incarner la directrice du foyer. Je l’ai guidée pour éviter d’aller vers le mélodramatique. Je me suis inspiré pour son personnage d’une directrice rencontrée dans un centre de Pau : une femme très directe.
Votre film bénéficie de partenariats avec Le Monde, Télérama et France Culture : c’est un beau parrainage.
Ils ont aimé le film ! France Culture a été là très en amont. Nous avons gagné un prix pour le scénario (Sopadin 2015) : il a été lu en public par les acteurs et retransmis à la radio. C’est certain que ces partenariats aident un film comme le mien, pour le faire émerger au milieu des dizaines de nouveautés qui sortent chaque semaine.
Vous avez aussi effectué une tournée d’avant-premières dans toute la France…
Oui, un vrai marathon ! Les rencontres avec le public sont très chaleureuses, le film est super bien accueilli, les gens sont touchés par cette histoire. C’est un univers, le foyer social, que peu connaissent et j’ai fait en sorte d’éviter que ce soit plombé. Il y a de l’humour, de l’énergie.
Propos recueillis en avril 2017 par Clara Laurent