Lorsqu'on parcourt la centaine de films joués par Danielle Darrieux (1917-2017), on trouve beaucoup de films parisiens, des films tournés en province, quelques opus hollywoodiens… Et dans les années trente, deux films « monégasques ». Flashback.
Dans l’entre-deux-guerres, Monaco est un lieu de villégiature à la mode. Il n'est donc pas surprenant que de nombreux films s’y déroulent. Parmi les plus célèbres, on peut citer Le Roman d’un tricheur de Sacha Guitry (1936), ou le film muet réalisé par Eric Von Stroheim (1922) Folies de femmes. En vérité, ce dernier fut entièrement tourné en décors à Hollywood ! En 1934, Danielle Darrieux joue dans un film tourné lui aussi dans des décors reproduisant divers lieux de la principauté : Mon cœur t’appelle.
Une opérette charmante
Réalisé par Carmine Gallone et Serge Veber, Mon cœur t’appelle faisait partie des « versions multiples » de l’époque, ces films tournés en plusieurs langues car le sous-titrage ou le doublage n’étaient pas encore la règle. Darrieux y est la vedette féminine aux côtés du grand ténor polonais Jan Kiepura, un chanteur à la voix d’or qui fit une remarquable carrière cinématographique.
Le scénario de Mon cœur t’appelle met en scène le directeur de l’Opéra de Monte-Carlo. Celui-ci (joué par Charles Dechamps) a envoyé un engagement à une jeune troupe d’opéra qui fait le voyage de Montevideo avec enthousiasme pour honorer son contrat. Cependant, en arrivant en principauté la troupe se heurte à l’amnésie du directeur, que le secrétaire joué par Julien Carette ne parvient pas à influencer. Qu’à cela ne tienne ! Jan Kiepura, Julien Baroux, Danielle Darrieux et le reste de la troupe feront des pieds et des mains pour que ce directeur fantasque accepte de les écouter pour se rendre compte de leur grand talent.
Les péripéties loufoques mènent Jan Kiepura dans les salles du Casino où il entonne un air lyrique, puis dans les geôles monégasques où il réclame de voir le prince afin que celui-ci intervienne en sa faveur ! Enfin, la troupe improvise une formidable « contre-Tosca » sur le parvis du Casino, tandis que la Tosca officielle est donnée à l’intérieur du bâtiment.
Cette comédie chantante très enlevée mérite d’être redécouverte non seulement pour ceux qui s’amusent à reconnaître des lieux de Monaco, mais aussi pour sa mise en scène virevoltante et la photogénie et l'entrain d'une Danielle Darrieux de 17 ans, comédienne déjà très solide.
Mademoiselle ma mère
Mariée à Henri Decoin depuis 1935, Danielle Darrieux a tourné deux drames sous sa direction lorsque le cinéaste lui offre en 1937 la comédie, Mademoiselle ma mère, adaptée d’une pièce de théâtre de Louis Verneuil.
Le film se déroule en partie dans la principauté de Monaco, mais cette fois en décor naturel. DD, comme on la surnomme à l'époque, y campe une jeune femme indomptable, fille d’un riche bourgeois qui espère qu’elle acceptera enfin de se marier. Le film s’ouvre sur une séquence dans le port Hercule : Darrieux arpente le pont d’un yacht, l’air furieux. Rebelle aux injonctions de son père, elle décide pour le faire enrager de choisir le premier venu en guise de mari. Celui-ci se présente sous les traits d’André Alerme, acteur quinquagénaire bedonnant ! Quelques instants plus tard, Darrieux plonge dans l’eau du port tout habillée…
Le spectateur d’aujourd’hui identifie parfaitement le port de Monaco qui a depuis quelque peu changé, il est vrai. Ces scènes burlesques permettent de savourer les dons comiques de Danielle Darrieux, avec son visage particulièrement mobile (nez retroussé, moue de la bouche, sourcils froncés…) et sa souplesse digne d'un véritable clown !
Si les nouveaux mariés mal assortis de Mademoiselle ma mère retournent vivre à Paris, Decoin choisit de promener de nouveau sa caméra à Monaco au dénouement du film. Alerme accepte de faire annuler son mariage jamais consommé. Bonne pâte, il laisse son propre fils (joué par le jeune Pierre Brasseur) épouser la jeune femme trublion qu’il n’a pas su dompter.
Les secondes noces ont lieu à la cathédrale de Monaco-ville. Les figurants de la scène furent recrutés sur place, parmi lesquels des lycéens et lycéennes du Lycée Albert 1er. On imagine l’excitation des jeunes filles et garçons à l’arrivée de la star sur le Rocher, actrice dont l’allure follement moderne était un modèle pour toute une génération.
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